. LA TAPISSERIE AU XIVe SIÈCLE                        35
quitter.ee monde, notre illustre artisan avait attaché son nom à une œuvre dont l'importance égalait presque celle de l'Apocalypse, et qui présenterait aujourd'hui un extrême intérêt. Il avait, en effet, été chargé de reproduire, non plus des scènes fabuleuses tirées de l'imagination d'un poète, mais un fait contemporain, dont tous les acteurs étaient encore vivants. Il fallait donc que le peintre s'imposât,une scrupuleuse exactitude, s'il ne voulait pas s'exposer à la critique des hauts personnages de la cour.
Sur une tenture composée de dix pièces et trois banquiers « toute à ymagerie d'or et de fin fil d'Arras ", ne mesurant pas moins de 295 aunes en carré, ét payée sur le pied de 9 livres 12 sous parisis l'aune, soit en tout 2,743 livres 4 sous parisis, Nicolas Bataille de­vait retracer les épisodes des joutes et réjouissances qui avaient lieu à Saint-Denis en 1389, lors dela réception du frère du roi et de son cousin, Louis II d'Anjou, dans l'ordre de la chevalerie. Ces fêtes avaient duré trois jours, pour se terminer par une orgie formi­dable ; elles eurent un grand retentissement. On en trouve dans les chroniques contemporaines un récit imagé. Tel était le sujet que Bataille avait reçu mission de traduire, en collaboration avec un autre tapissier en réputation, Jacques Dourdin. Ce dernier dut finir seul l'œuvre entreprise en commun. Cette riche tapisserie était des­tinée à la décoration de la demeure royale. C'est la première fois qu'une commande de cette nature et de cette importance est faite à l'habile tapissier parisien au nom du roi.
Malheureusement cette tenture si précieuse semble n'avoir eu qu'une existence éphémère. On ne la voit pas figurer sur les inven­taires royaux après Charles VI. Elle a sans doute péri de bonne heure; il n'y a guère de chance d'en retrouver le moindre fragment.
Si Bataille brille au premier rang des tapissiers parisiens du xive siècle, et doit à des circonstances particulières, comme la con­servation de l'Apocalypse d'Angers, une importance exceptionnelle, il a eu des rivaux fort habiles .et fort occupés, dont il convient de dire quelques mots.
La plupart de ces tapissiers de la lin du xive siècle reçurent leurs meilleurs encouragements d'un prince qui exerça une influence considérable sur le développement et la prospérité de notre industrie. Nul, en effet, ne contribua autant à répandre par son exemple le goût des somptueuses tentures que le duc de Bourgogne, Philippe le Hardi. Après avoir joint à la province qu'il tenait en apanage,